Du temps et de la production
- yogaleterrier
- 3 juin
- 3 min de lecture

J’ai toujours aimé écrire. C’est une des méthodes d’introspection que j’affectionne le plus, déposer sur le papier ce qui m’encombre le ventre et l’esprit. Je garde ces textes pour moi, au chaud dans mes multitudes de carnets. Je ne les relis presque jamais, je suis simplement rassurée par leurs présences, par la trace que cela laisse derrière moi. Cette impression qu’il reste quelque chose de mon expérience de graver dans la matière me réconforte. Ma vie devient concrète, tangible.
A côté de cela, l’idée que quelqu’un puisse me lire me stimule. Je cherche, j’essaie de trouver les mots justes afin d’être comprise. Je travaille à clarifier au mieux mon propos, et qu’ainsi mes émotions et sensations traversent le papier jusqu’au lecteur.
Un peu plus jeune, j’écrivais beaucoup, et très vite, je le postais sur Instagram.
Je ressentais un grand besoin de rapidité : savoir tout de suite de quoi je voulais parler, puis écrire de la manière la plus fluide possible. Et surtout, il fallait que ce soit facile. Lorsqu’une difficulté se présentait, mon impatience était de mise, et l’énervement arrivait.
Comprenez bien : si ce n’était pas « vite fait, bien fait », alors je perdais mon temps. Alors, à ce rythme, je n’aurai jamais rien fait de ma vie. J’allais passer à côté, gâcher ma vie. Je voulais produire beaucoup, et de manière qualitative, bien entendu.
Je dois dire que je détestais le fait d’entreprendre quelque chose sans le terminer dans la journée. Comme si, plus je produisais, plus j’existais, plus j’avais de la valeur.
C’était inconcevable d’accorder plus de temps à une production : soit je validais mon premier jet, soit c’était de la merde. Je n’avais pas de temps à perdre, j’avais tant d’autres envies à réaliser !
Et lorsque je constatais la seconde option (mon premier jet n’était pas valable en l’état), je jetais tout, je me flagellais d’être aussi nulle, de n’avoir aussi peu d’intérêt, de n’être capable de rien, entre autres choses bien sûr.
Mais pour aujourd’hui, abordons la première option : je valide mon premier jet, et je poste tel quel le produit sur Instagram.
Impossible de me relire. Lorsque je m’y aventure (bien plus tard que je le jour du post), la flagellation est de retour : ce que j’ai sorti est creux, basique, sans aucune plus-value, ce n’est absolument pas suffisant. Je lis et j’ai honte. J’ai honte d’avoir oser montrer cela publiquement. Et je finis par supprimer, un à un, mes textes.
Si je me retourne sur cette période de mon processus, je note le jugement que je m’imposais constamment. Un jugement de l’instant T, ainsi qu’un jugement sur mon Moi passé, dont j’ai supprimé les traces. L’inconfort était grand, la pression haute, j’étais au comble de mon exigence.
Mes productions devaient être excellentes, sans pour autant n’y accorder de temps. Je devais savoir faire, je devais être mature, complètement et définitivement. Mes études venaient de se terminer, j’avais appris, maintenant je devais être bonne. J’avais 23 ans.
Par la force du mal-être découlant de ce schéma de pensée, j’ai commencé à ralentir.
Au court terme : frustration, stress, peur. Si je prends autant de temps pour créer quelque chose d’aussi petit, je mourrai avant d’avoir accompli quoi que ce soit.
Mais je n’ai pas le choix, si je m’impatiente, je recommence tout à zéro.
Je me laisse du temps, et je vois que les résultats sont plus concluants : je ne suis toujours pas satisfaite, mais je sens plus de force et de profondeur dans mes travaux. Premières sensations d’apaisement et de joie.
Je n’ai plus envie de lâcher ma création, je veux l’emmener toujours plus loin, j’y prends même du plaisir.
Je comprends qu’en emmenant ma création plus loin, c’est moi que j’emmène. Par le bais de la création, c’est mon Moi profond qui est en développement, en processus.
Et c’est ça qui m’anime. Si je déplace le curseur de valeur du « produire plus pour être plus » (aux yeux de qui ? Pour correspondre à quelle norme de notre société ?) au « créer profondément pour développer son Être Humain », je trouve du sens à ce que je fais, du calme et de la confiance.
Je prends une décision : celle de consacrer ma vie, mon temps, à la création / travail profond du Moi sous toutes ses formes. Et big news : Si l’on n’y passe pas de temps, on restera toujours en surface…
Article écrit en 4 ou 5 fois, entre mai et août 2024. (Je pourrais continuer à corriger, dire différemment, enlever, rajouter des éléments, mais il faut aussi que ça sorte un jour ou l’autre…)

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